top of page

Nandanam Lovers


Pradeep Chandran © Bythelake

Dans ce monde où les fous semblent avoir pris le contrôle de l’asile, l’amour persiste et signe. La chose est partout. En nous, en vous. En lui. Suffit d’écouter. Suffit de laisser parler le directeur du restaurant indien Nandanam à Lausanne, Pradeep Chandran.

L’homme passe de table en table pour s’enquérir du niveau de satisfaction de ses clients. « Tout se passe bien messieurs, dames ? ». Les messieurs dames sont ravis. Dans les jardins de Krishna, les helvètes se pourlèchent – 13 points au Gault & Millau s’il-vous-plait. On caresse la sculpture à tête de vache de Zaric. On s’appelle « my friend » en cuisine. On m’offre un thé au jasmin, le sourire du patron en prime. Et le sourire de Pradeep, c’est un peu comme une main qui se pose sur votre épaule, une voix qui vous dit doucement « la vie est belle, mon ami(e)».

La vie du restaurateur, aujourd’hui âgé de 52 ans, ne fleurait pourtant pas bon le destin Bollywoodien. Quoi que …

Pradeep Chandran grandit au sein d’une famille modeste dans le Sud de l’Inde. Il est l’ainé de sa fratrie. À 13 ans, il travaille après l’école pour subvenir aux besoins des siens. Son oncle lui donne quelques roupies pour faire la plonge dans son bistrot. Le quotidien est rude mais le garçon apprend vite. Pradeep observe. Pradeep grandit. Assimile les bonnes recettes pour faire tourner un commerce. Son oncle, engagé en politique sur la question sociale, lui montre l’importance de bien traiter ses employés, lui confie avec le temps plus de responsabilités. C’est décidé, un jour, Pradeep aura son restaurant à lui et il donnera du plaisir aux gens. Parce que c’est important.

Son master en commerce en poche, Pradeep Chandran rêve d’acheter un restaurant sur la plage, à côté du bistrot de son oncle. Les économies du jeune homme n’étant pas suffisantes pour garantir l’achat des fonds propres, la mère de Pradeep fait quelque chose que son fils n’oubliera jamais. Dépose à la banque ce qu’elle a de plus précieux, ce dont une femme de sa condition ne se sépare pas en temps normal. Elle offre en garantie le collier en or de son mariage. Maman sacrifie son Thali. (Le scénar Bollywoodien le rattrape !).

« J’ai pour ma mère une reconnaissance infinie » raconte le restaurateur, toujours ému par l’acte d’amour maternel.

Pradeep travaille comme un fou durant la haute saison mais son affaire fait plus que tourner. Son rêve devient réalité, make it real ! (on a déjà le titre du film). Dès la première année d’ouverture, Pradeep peut rembourser la banque et restituer à sa mère son trésor. L’homme est heureux. Les touristes venus des quatre coins du monde viennent se faire plaisir chez lui grâce au concept novateur du live cooking on the beach. Ambiance carte postale. La musique accompagne. Les rencontres se suivent et ne se ressemblent pas sur les sons folk and rock’n’roll. Dylan, Bob Marley, Eagles, Tracy Chapman … les pieds dans le sable du melting-pot, Pradeep Chandran s’entiche de la culture occidentale. Et un jour, une femme. Jolie neuchâteloise assise à la table de son restaurant. Chabadabada.


« Ça a été un véritable coup de foudre. Dès que je l’ai vue, j’ai su que Geneviève serait ma femme. » raconte Pradeep Chandran.


Le tourbillon commence. Trois semaines de passion. Trois semaines pour comprendre qu’il y a un avant et un après leur rencontre. La réalité (sorcière !) rattrape Pradeep et Geneviève. Déchirement à l’aéroport de Delhi. La jeune femme quitte les bras de son doux et retourne en Suisse. Mais il manque quelque chose dans sa valise. Son cœur est resté sur cette plage du Sud de l’Inde. Au diable la raison ! Geneviève reprend l’avion un mois plus tard pour la Suisse. Chabadabada (replay)

En 1990 l’amoureux quitte son pays et débarque en terre helvétique. Après moult aventures de visas, Pradeep Chandran dresse un premier constat :

« Il y avait moins de monde à l’aéroport et sur l’autoroute en Suisse ! Et pas de vaches qui déambulent sur la route tranquillement, pas de klaxons assourdissants et pas de piétons qui s’élancent pour traverser. Un autre monde ! »

Le tourbillon continue. Pradeep devient papa à l’âge de 26 ans. La petite famille s’installe à Denens, commune située dans le district de Morges. Les jeunes parents ne ménagent pas leurs efforts pour construire le film de leur vie. Entre son travail d’infirmière et le bébé qui vient de naître, Geneviève se démène et réussit à convaincre son père, propriétaire d’un domaine viticole, de soutenir son amoureux dans ses études et projets.

« Sans Geneviève, je n’en serais pas où j’en suis maintenant. » affirme Pradeep.

Pradeep Chandran rentre à l’école hôtelière de Genève et voit naître son deuxième enfant en 1994. Il obtient un bachelor en histoire et commerce, travaille pour la direction du Plaza à Genève puis comme comptable. Les années passent, la famille s’agrandit à nouveau en 1998.

Si Pradeep se voit comblé par l’amour des siens, le besoin de renouer avec son rêve d’adolescent se rappelle à lui. Comme un mantra … son restaurant, faire plaisir au gens. La carte postale troque son sable indien contre le pavé lausannois. De l’ancien take-away marocain situé à l’avenue Ruchonnet 11, il ne restera rien. Avec l’aide de sa belle-sœur, professeure en arts visuels, Pradeep recrée un espace dans lequel il pourra se réaliser. Un lieu où l’on cultive le plaisir d’être ensemble – un jardin. Ouverture du Nandanam (ou « Jardins de Krishna ») en 2010.

Vingt-six ans après avoir quitté son Inde natale, Pradeep Chandran est loin de donner le clap de fin. Il tourne le film de son existence, avec le souci permanent des autres. De nouveaux projets naitront, peut-être. De nouveaux rêves. Qui sait. Pour l’heure, il prend soin de son « jardin » (l’ouverture de la terrasse en est la parfaite incarnation) et entretient sa vie spirituelle. Parfois son pays le rappelle sur la scène de ses premières amours. Alors Pradeep part en Inde retrouver les bras de sa mère, le cœur empli de gratitude.

Et Pradeep de conclure : « Quand on aime, on aime toujours ».

S.D

Posts à l'affiche
Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page